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Les ploutocrates du système financier américain ont imposé en 40 ans et 4 pieds, comme un bon vieux tabouret, une nouvelle démocrature hégémonique du « système » financier international. Biden, voudrait il et pourrait-il même en changera-t-il un iota ?  Certainement pas et on verra dans cet article pourquoi. 

Mais tout d’abord détaillons : ce « système », de quoi est-il composé ?

D’une monnaie hyperfiduciaire, d’abord, issue d’une histoire économique courte mais inédite dans l’histoire de l’humanité. D’un effet volume ensuite, de normes encore, et finalement (last but not least) d’agences de notation, de contrôle devrais-je dire, qui sont les vrais surveillants de tous les gouvernements. Et ces moyens coordonnés dépassent les pouvoirs présidentiels du pays le plus riche du monde. 

 L’histoire : on aurait tort d’oublier que la richesse américaine s’est fondée sur les indéniables qualités des pionniers et innovateurs de ses entrepreneurs mais aussi s’ est  établie grâce aux bénéfices guerriers des deux grands conflits mondiaux du 20 ème siècle. Si en 1929 les banquiers de wall street sautaient par les fenêtres de l’empire state building et en 1934 le chômage frappait 24 % des américains,  en 1942, a peine 8 ans plus tard, il ne concernait plus que 2.5 % de la population active.  Comme en 1918, les USA avant de s’engager dans la guerre avaient rempli les caisses !

 Moins d’un siècle plus tard, les fenêtres du building emblématique peine à contenir les milliards qu’on y traite et résiste par une logistique implacable à tous les assauts, ceux de Ben Laden comme les plus virulents :tous les dix ans et encore lors des 2 premières décennies de ce nouveau siècle, (subprime en 2008 et covid 2020) chaque fois mille raisons auraient pu affaiblir ce système  mais il en ressort toujours renforcé:  cela n’inquiète que les non américains, évidemment. Cela tient à ce que l’économie américaine c’est d’abord son dieu ladre : l’US DOLLAR ; Une monnaie qui se veut universelle, et qui fut pratiquement durant 30 ans la seule valide, entre 1945 et 1975 environ. Aujourd’hui, même en Russie, à Cuba ou en Papouasie, le dollar s’échange partout dans le monde, alors que l’Euro peine à s’imposer et que le Renmidi (monnaie chinoise) ne se pratique nulle part en dehors de l’empire du milieu ; pourtant la Chine est désormais la 2 eme économie mondiale.

Rappelons d’abord que les USA, c’est 327 millions d’habitants, bien moins que les 447 millions d’Européens membres de l’Union, donc même en oubliant dans ce nombre les mauvais arrangements de nos voisins britanniques dont on observera avec intérêt leurs performances d’exilés insulaires, on peut affirmer que l’Europe produit moins de richesse par habitant que les citoyens de l’oncle Sam.

 La seconde pierre de l’hégémonie américaine sur la finance internationale, en clair sur la plupart des pays, c’est son rapport de force économique, son PIB :  Environ 20.000Milliards d’EUROS en 2019, 1 ère économie mondiale même devant les chinois qui sont pourtant 4 fois plus nombreux. Qu’importe si cette croissance continue se fait à crédit avec un thermomètre d’endettement pour le moins discutable et en bourrant les arbres de pesticides dans l’espoir que les arbres monteront jusqu’au ciel : c’est le reste du monde qui livre gentiment ses capitaux à l’Amérique, car sur une planète aveugle les borgnes sont rois ! 

De son système de financement ensuite. Partout dans le monde le quidam qui veut créer sa petite start-up, le maire de la commune qui veut construire sa salle polyvalente tout comme l’épargnant précautionneux vont discuter avec leurs banques. Pas outre atlantique :  chez eux un banquier n’y est pas mieux considéré qu’un épicier, puisqu’il vend au détail de l’argent qu’il achète ou vend en bourse : évitons les intermédiaires se disent nos offreurs et demandeurs de capitaux d’outre atlantique, si petits soient-ils, adressons-nous sans complexe à Wall Street ou au Chicago board of Trade ! Ainsi l’intermédiation bancaire est très différente et s’avère bien plus ingénieuse aux USA que dans le reste du monde, donnant à ces marchés boursiers une importance capitalistique considérablement supérieure à leur poids réel. Pourquoi est-ce un avantage ? Parce que la faiblesse des autres places de cotation dans le monde permet aux marchés des capitaux des USA de « peser » ainsi plus de 50 % de la capitalisation boursière mondiale. Et cette capitalisation boursière, c’est à la fois le contrôle des entreprises, la propriété des grandes infrastructures et la valeur des monnaies ! Il est facile de démontrer qu’en général tous les indices internationaux suivent, de ce fait, les indices phares américains (Dow Jones, Nasdaq …) car on voit mal Paris qui pèse moins de 5 % des capitaux boursiers mondiaux aller à contresens du leader. Dès lors, lorsque wallstreet s’enrhume c’est le CAC 40 qui éternue et la bourse de Casablanca comme celle de Sidney qui doivent s’aliter fiévreusement, même si les indices représentatifs de leur économie respective sont en pleine santé !

        Le monde entier serait bien aise de regarder d’abord chez lui, me direz-vous car finalement chacun est libre d’investir ou il veut ! Pas tant que cela.  On connait tous l’aventure de l’oncle Julien pour qui frères et beaux-frères, cousines et cousins ont cassé la tirelire afin de l’aider à payer son garage, fier qu’on était d’avoir un vrai entrepreneur dans la famille et sûrs qu’on était de récupérer son capital avec un zéro de plus et des dividendes assurés au moins sous forme de réparations gratuites. Mais n’est pas Bill Gates qui veut et lorsque la faillite fut venue, on entendit le chœur des pleureurs regardant avec envie les rendements faibles mais certains des compagnies d’assurance vie ! C’est que tout investissement doit être jaugé au triptyque du ratio Sécurité/Liquidité /Rendement et ce rendement s’associe à un facteur « risque » qu’il faut bien mesurer. C’est dans ce genre de détail que réside la force des diables yankee : ils ont élaboré depuis plus d’un siècle d’une part une évaluation des risques pas très précise mais assez rassurante, on appelle ça une agence de notation, et d’autre part des normes de comparaisons qu’ils ont imposés au monde entier … tout en s’arrangeant un peu pour que cela ne leur soit pas tout à fait applicable.

 Les normes comptables comptent en effet considérablement dans ce système. Dans un marché mondialisé il faut bien que les chiffres aient la même signification, n’est-ce pas ? Qu’importe si là-bas on parle en miles, et ici en Kilomètres, ici en litres et là-bas en galons : les intérêts en jeux ne sont pas les mêmes. Mais pouvoir comparer les bilans de Firestone (japon) Michelin (Europe) et Goodyear (usa), c’est fondamental, pour savoir où mon assureur vie doit mettre mon épargne si je ne veux pas qu’il lui arrive, ainsi qu’à moi par contrecoup, ce qui est arrivé à la famille de l’oncle Julien !

Donc un jour, les comptables américains ont réuni les comptables du monde entier pour les convaincre qu’a l’heure des TGV, des Mails par satellites, et des échanges €$ à la microseconde près, il devient urgent d’évaluer les mêmes choses de la même manière sur la même Terre, surtout si les constituants du prix de revient (prix du m², de l’heure d’ouvrier, des matières premières etc…) n’est pas uniforme. Convaincus, ces gens rigoureux que sont les comptables ont adoptés des normes parfois étranges (pour eux bien sûr, pas pour les américains).  Sauf que derrière les normes reposent des conceptions divergentes de la sécurité, de la rentabilité, de la négociabilité d’un « titre » normalisé. Et la notion de sécurité financière est pour le moins téméraire aux Etats Unis. Il en résulte que cohabitent des normes internationales d’un côté et des US Gaap, de l’autre qui donnent un faux sentiment de pouvoir comparer des torchons et des serviettes. Faites ce que je dis, pas ce que je fais ….

Je ne peux dans cet article, déjà trop long, décrire toutes les interférences entre ces 4 piliers de la finance internationales que sont la monnaie de référence, les normes comptables obligatoires, le contrôle des agences de notation et la prédominance écrasante de la capitalisation boursière américaine. Ainsi que tout ce que cela permet de faire, tant pour nuire à autrui (Venezuela, Liban, Iran, Corée …) que pour assoir cette suprématie

Et pourtant derrière cette formidable machine, que de fragilités ! :

1°) La monnaie de référence est désormais de plus en plus discutée car l’arbitrage entre valeur refuge et transparence des transactions (blockchain) tend à privilégier progressivement le renforcement de lois intrusives : on connait déjà moult législations américaines qui veulent s’imposer au monde entier ! Cela favorisera inéluctablement le recours à d’autres monnaies de portée internationale mais moins invasives. Même si l’US Dollar restera quelques décennies encore la monnaie prédominante, on connaitra avec la confirmation des Zones monétaires, des endroits ou le billet vert semblera exotique, à commencer par la zone Euro évidemment. 

 2°) les normes comptables ont grandement favorisé la valeur « en devenir » des entreprises audacieuses voir téméraires. Et admettre à présent que la valeur boursière du capital d’une entreprise est un meilleur moyen d’appréciation que l’antique méthode qui consistait à savoir combien on y avait investi, combien elle avait conservé de ses bénéfices pour assurer son fonctionnement, favorise à l’excès les vedettes du jour. Constater que la capitalisation d’AMAZON qui n’est significativement bénéficiaire que depuis 2015 après 20 ans de stagnations ou de pertes, vaut a elle seule plus que toutes les entreprises françaises réunies dans le CAC 40, reste absurde pour beaucoup. Bientôt ces normes favoriseront d’autres compétiteurs, chinois par exemple, et les américains seront les premiers à vouloir reformer le principe des évaluations corporate au risque de voir les volumes capitalistiques fuir New York pour Hong Kong et Shangaï.  Mais ce chantier discret, obscur même tant la normalisation est peu accessible aux néophytes, ne fait que s’ouvrir et c’est là un domaine où la suprématie yankee a encore de beaux jours, tant qu’IFRS et USGAAP ne seront harmonisés pour commencer.

3°) Avec la complexité croissante des normes donc de l’interprétation des comptes, les agences de notation, créées à l’origine pour surveiller la solvabilité des aventuriers de l’ouest américain financés par l’est américain, se sont renforcées. Comment ? Très simplement :  en justifiant, statistiques incontestables en main, qu’investir dans une entreprise évaluée, notée, surveillée est évidemment moins risqué que de miser sur une entreprise qui ne l’est pas. Des lors, tous les investisseurs institutionnels (assureurs, caisses de retraite …) privilégient les entreprises notées dans leurs placements, ce qui a pour effet de faire monter (loi d’offre et de la demande en bourse à forte prédominance américaine) la valeur des titres et d’attirer alors les capitaux du monde entier vers des entreprises plus sûres puisque mieux notées, plus rentables (selon les nouvelles normes) et plus facilement négociables puisque négociées en continue sur les principales places mondiales de capitaux ! La boucle est bouclée !

Mais ces agences elles même ne se sont-elles pas fourvoyées lors de l’évaluation de la situation de la Grèce à l’UE en 2000, de la valeur des sous-jacents immobiliers lors de la crise des Subprime en 2008, et bien d’autres fois encore dans l’appréciation des risques souverains ?

De nouvelles agences apparaissent, des évaluations plus complètes et surtout les compagnies d’assurances crédits promises à un grand avenir semblent plus crédibles que ces notateurs semblables aux interprètes folliculaires. Là encore les 3 agences américaines qui représentent 95% du marché mondial de la notation vivent sur une réputation désormais entachée que le moindre progrès emportera, permettant une redistribution du système financier.

Mais tout cela n’interviendra pas dans les 4 ans qui viennent ; L’olympiade qui attend M. Jo Biden ne sera probablement pas un long fleuve tranquille, et beaucoup attendent le grand crack salvateur pour la vérité des comptes et valeurs. Pourtant, les grands risques géopolitiques qu’auraient entrainés une réélection de Trump seront sans doute amoindris par l’excellente diplomatie du nouveau président. Le monde entier admettra encore quelque temps la lâcheté nécessaire à la stabilité macroéconomique avant l’assainissement inéluctable. Raison de plus pour Wall Street de ne rien changer et surtout pas le contrôle du marché mondial des capitaux, Biden ou pas Biden.

15.12.2020